Or, encens et poussière by Varesi Valerio

Auteur:Varesi, Valerio [Varesi, Valerio]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Agullo
Publié: 2020-05-28T08:00:10+00:00

Il rencontra Sbarazza devant le Milord.

« Aujourd’hui, il n’y en a pour personne, dit le vieux en dodelinant de la tête et en indiquant la cohue à l’intérieur du restaurant. C’est à cause de l’expo sur le Parmigianino, et à cette heure, il n’y en a que pour les estomacs. Au diable la culture, railla-t-il.

— C’est humain, sourit Soneri. Je vous offre une assiette de charcuterie et de la torta fritta au bar à vins ? »

Sur le chemin, le commissaire réalisa que ce bar, malgré son faux décor d’auberge d’autrefois, était devenu une obsession, au point d’avoir toujours un bon prétexte pour s’y rendre. Mais cette fois, il ne vit pas celui qu’il redoutait de rencontrer et il se détendit. Sbarazza avait la bonne humeur communicative.

« Vous êtes l’un des rares à savoir que je suis un clochard, dit l’homme avec la tête de quelqu’un qui fait des confidences. Je vis dans cette ville comme le “marquis”, tout le monde me respecte et me tire son chapeau. Mais s’ils savaient comment je m’en sors, ils ne me regarderaient même pas. Ils se gausseraient, parce que, ici, faut que ça brille, ils ne supportent pas les perdants. Mais moi, je n’ai rien perdu ! Au contraire ! Ce sont eux les perdants ! »

Soneri eut un sourire admiratif. Sbarazza possédait la sincérité des gens ayant atteint une belle absence de préjugés.

« J’imagine que vous vous sentez vraiment libre, plus qu’avant, je veux dire.

— Rien ne me fait peur, admit l’homme, parce que je suis un vrai révolutionnaire. J’essaye de mettre en pratique ce que les prêtres nous enseignent. Eux ne le font pas, mais moi, j’essaye. À bien y réfléchir, le Christ est le plus grand révolutionnaire que l’on ait jamais connu sur cette planète. Une figure scandaleuse, insupportable. Davantage que les communistes, vous n’êtes pas d’accord ?

— Vous pensez que c’est pour ça qu’on l’a mis sur la croix ?

— Si l’on s’en tient à la théologie, sans aucun doute. Bien sûr que c’est pour ça, renchérit-il. Imaginez ce qu’il subirait aujourd’hui. On le traiterait d’extrémiste, de fanatique, de provocateur. Ou alors, on tenterait de le crucifier avec des moyens bien plus atroces que des clous, on le traiterait de fou, on moquerait ses comportements, on l’ignorerait. C’est ce qu’on ferait avec moi si je n’étais pas enveloppé de cette patine – trompeuse ! – d’aristocrate. Si j’étais pauvre, ils ne m’offriraient aucune citoyenneté, mais je suis le “marquis”… Je suis comme les produits griffés : je ne vaux rien, je suis affreux, mais je porte une griffe et c’est ce qui fait mon prix. C’est même pire : c’est ce qui me donne de la valeur, ricana Sbarazza. Toute la différence est là : du vent », conclut-il en se laissant aller à un grand éclat de rire.

Il parlait sans rancœur, sa légèreté dégageait une telle sérénité qu’on aurait bien voulu la même.

« Tout le monde se bat pour ce vent, constata Soneri en parcourant du regard les

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